Etirements - Préférences - Réflexes

Les étirements sont un sujet à controverse chez les professionnels du sport et de la santé. Pour certains, ils occupent une place importante lors des séances. C’est notamment le cas pour les adeptes de la méthode Mézières qui proposent presque systématiquement des étirements de la chaine postérieure. A l’inverse, d’autres brandissent nombre de publications scientifiques pour marteler que les étirements ne « servent à rien » et n’en proposent qu’occasionnellement. Enfin, les sportifs, pourtant les premiers intéressés, ne sont généralement pas très friands de longues séances d’étirements.

A cheval entre le laboratoire scientifique et le terrain, je trouve très intéressant d’assister à la recherche d’une « validation » empirique de l’efficacité des étirements … car les étirements sont utilisés aussi bien pour aider l’intégration des réflexes primitifs que pour la pratique des préférences motrices. Je vous propose de découvrir de quelles façons après une brève mise au point théorique.

Généralités

Tout comme les contractions musculaires, il existe différentes sortes d’étirements. Je vous présente ce classement non-exhaustif :

  • Les étirements statiques : sans mouvement, les muscles sont étirés dans une position stable pendant un laps de temps relativement long (> 30 secondes). Ils sont généralement effectués après l’effort.

  • Les étirements actifs : le contracté-relâché est la technique d’étirements actifs la mieux connue. Il consiste à étirer le muscle puis d’alterner entre des périodes de contractions légères et des périodes de purs étirements. Ils sont souvent pratiqués par les professionnels de la santé.

  • Les étirements dynamiques : souvent exécutés comme échauffement, ce sont des étirements assez intentes et de courtes durées. Bien connu en athlétisme, les étirements balistiques en font partie.

  • La mobilité : catégorie à part, la mobilité regroupe des exercices plus au moins dynamiques avec pour objectif d’étirer les muscles et mobiliser les articulations. Le Yoga est un bon exemple de « mobilité ».
Bien que quotidiennement pratiqués dans les cabinets médicaux et salles de sport, les études validant les effets positifs des étirements sur la récupération ou la prévention des blessures ne se bousculent pas au portillon. C’est même plutôt l’inverse : dans l’état actuel de la connaissance, la majeure partie des études déplore un manque d’efficacité des étirements. Vous pouvez trouver deux méta-analyses ici et ici synthétisant les résultats de plusieurs études. Attention, ces analyses expliquent que les étirements n’ont pas d’effets positifs systématiques. Cependant, ils peuvent toujours avoir de l’effet dans des cas bien précis.
Stretching : athlète pratiquant le Yoga

Préférences et étirements

De la même manière que les entrainements sont modelés en fonction de la motricité, les étirements varient entre les aériens et les terriens :

  • Les aériens utilisent préférentiellement leur chaine postérieure. Leurs étirements vont donc se focaliser sur celle-ci pour éviter que la chaine ne se raccourcisse sous l’effet de sollicitations trop répétées ou trop intenses. Aussi les alignements segmentaires sont importants pour les aériens. Les étirements proposés se feront idéalement « dans l’axe » : on évite de tordre un aérien dans tous les sens. De mon avis, les légers étirements de la chaine postérieure sont à privilégier pour regagner de l’amplitude et évitement des tassements de la colonne dus aux oscillations verticales. D’un point de vue pratique, les étirements balistiques des ischios jambiers peuvent être intéressants en échauffement tandis que des étirements statiques ou (légèrement) actifs des muscles du dos et des jambes (ischios – mollets) sont idéals comme retour au calme.

  • Les terriens comptent davantage sur la chaine antéro-médiane. Cette chaine est composée de muscles volumineux (quadriceps, par exemple) supportant bien les contractions musculaires concentriques ou excentriques. Contrairement aux aériens, les terriens sont moins sensibles aux alignements segmentaires. Fort de ces deux constatations, je privilégie la mobilité (avant l’effort comme échauffement musculaire mais aussi après comme retour au calme) et les étirements actifs. L’objectif est de décontracturer les fibres musculaires qui ont été beaucoup sollicitées et de regagner de l’amplitude articulaire. Pour les adeptes du cross-fit, un bon « mobility-wood » est un excellent exemple de mobilité terrienne.
Comme toujours avec les préférences motrices, une grande place est accordée au ressenti du patient. Restez donc à l’écoute, surtout sur un sujet comme les étirements, et ceci même lorsque cela heurte vos propres convictions ou ressentis. Il vaut mieux rester humble devant un sujet qui échappe à la connaissance. Si les étirements sont pratiqués depuis toujours par les sportifs, c’est qu’il y a une raison … même si on ne la comprend pas encore bien.

Pour les plus motivés, Volodalen a publié une capsule pratique (payante) sur les étirements : https://volodalen.com/formation/?formation=56.

Réfléxes et étirements

Le concept clé pour comprendre le lien entre étirement et réflexes primordiaux est l’amnésie sensorimotrice. Dans son livre le mythe du vieillissement, traduit par Paul Landon, Thomas Hanna définit l’amnésie sensorimotrice comme une «perte de mémoire de la perception de certains groupes musculaires et de la manière de les contrôler». On observe souvent ces amnésies chez les personnes âgées ou ayant subi un gros choc physique ou émotionnel (comme un accident de voiture par exemple). L’oubli de la présence ou de la contraction d’un muscle modifie notre posture ou notre mécanique ce qui peut entrainer des pathologies. Ces amnésies apparaissent également lorsque des réflexes archaïques restent actifs (principalement les réflexes de protection et de retrait). Les contractions involontaires des muscles sous l’effet des réflexes vont empêcher la mise en place d’une motricité fine et de la prise de conscience de toute l’amplitude de mouvement à disposition.

Afin de soigner ces amnésies ou aider à l’intégration des réflexes, Thomas Hanna suggère la pratique de mouvements somatiques (ou pandiculation). Les mouvements somatiques sont des mouvements en alternance d’étirements et de contractions très lents. Une importance est accordée au ressenti : l’objectif est de reconnecter les sensations du muscle aux mouvements. Mieux connu chez les anglo-saxons qu’en Europe, les mouvements somatiques sont très intéressants à effectuer après ou en-dehors des séances de sport afin de ne pas s’enfermer dans un schéma moteur trop précis causé par la pratique répétée d’un geste technique. Une vidéo sur la pratique des mouvements somatiques est disponible sur la chaine YouTube de l’IMP :




Notes :
La science autour des réflexes archaïques et des préférences motrices est encore très jeune. Aussi, la plupart des connaissances actuelles proviennent de l'observation directe de patients mais il ne s'agit en aucun cas de vérités absolues. Un réflexe non-intégré peut entrainer des conséquences très différentes d'un individu à l'autre sans qu'on ne puisse encore l'expliquer.
"L’intelligence n'est pas ce que l’on sait, mais ce que l’on fait quand on ne sait pas." - Jean Piaget
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